225 ans d'Histoire - 1



Si l’idée de rendre publique les collections royales n’est pas née de la Révolution, en revanche celle qui consiste à faire de ce patrimoine le bien de tous fut l’œuvre de la Convention. Sous l’impulsion du ministre de l’Intérieur Roland, une véritable politique de sauvegarde du patrimoine est mise en œuvre au niveau national et même local. Dans une lettre du 24 octobre 1792 qu’il adresse aux citoyens administrateurs du Département du Gers, le ministre déplore que les communes se soient permises de vendre « des tableaux, statues, vases, colonnes et autres objets d’histoire naturelle propres à perpétuer le goût des arts, qui étaient dans les maisons des ci-devant corps religieux et des émigrés»[1]. Il ajoute combien « il importe pour l’intérêt des connaissances et la gloire des arts de conserver avec soin des modèles aussi précieux»[2] et demande donc aux administrateurs du Gers de lui faire parvenir un compte-rendu détaillé des différents objets qui méritent d’être conservés. Un crédit de 100 000 livres est alloué au département « pour servir en partie au dépenses concernant la recherche, la conservation et le rassemblement des tableaux, statues, livres.[3] »

Ces recommandations seront reprises par le procureur général du département du Gers le 18 novembre 1792: « Le Directoire qui a, ainsi que vous, très à cœur de seconder le vœu du ministre, qui est celui de la loi, vous sollicite de choisir promptement des personnes capables d’effectuer ce travail avec toute l’intelligence qu’il  exige …».

Dans son message adressé à la Convention le 16 décembre 1792, le Ministre Roland confirme une nouvelle fois sa volonté de voir les richesses nationales rassemblées et participées à l’instruction publique : « Ce rassemblement précieux des richesses nationales a pour but de préparer à l’instruction publique (…). Il a pour but la gloire ou peut-être même la stabilité de la République (…)[4]. Pourtant, en dépit de ces discours, les pouvoirs publics se gardent bien d’encourager les initiatives locales en se réservant le droit exclusif de créer des musées là où bon leur semble.

Devant cette situation, le Directoire du Gers puis celui de Haute-Garonne contournent cette interdiction en instituant des muséums provisoires. C’est ainsi que le 26 frimaire An II (16 décembre 1793) les citoyens Dartigoeyte[5] et Cavaignac prirent un arrêté pour l’établissement à Auch d’un Museum provisoire: « Le citoyen Lartet[6], professeur de l’école des arts, sera chargé de la direction de ce muséum sous la surveillance de l’administration du département. »[7]



Ainsi, en pleine Révolution Française, Jean-Baptiste Lartet « est autorisé à parcourir les districts du département du Gers et (…) à rechercher dans les édifices nationaux et maisons des émigrés, les tableaux, statues, gravures et autres monuments des arts »[8].

Ce fut avec le musée du Louvre, un des premiers musées né de la Révolution. Trois jours plus-tard, le 19 décembre 1793, une décision analogue est prise par le Directoire de Haute-Garonne créant le Muséum du Midi de la France dans le cloître des Augustins à Toulouse. Lequel ouvrit ses portes le 27 août 1795.


[1] Mention de cette lettre dans l’article de Madame Bordaz, Le Musée d’Art et d’Archéologie : aperçu historique de la Révolution à 1920, Bulletin de la Société Archéologique et Historique du Gers, premier trimestre 1977.
[2] Idem
[3] Loi du 21 vendémiaire An I rappelée dans une lettre du 27 pluviôse An I, du Ministre Roland, au Directoire du Département du Gers.
[4] La jeunesse des Musées, RMN, 1994, Chantal Georgel, p21.
[5] Dartigoeyte Pierre Arnaud, originaire des Landes, (Mugron 1763 – Lahosse 1812). Ardent partisan de la Révolution, il est élu en 1792, dans son département natal, député à la Convention où il siège dans les rangs de la « Montagne ». Envoyé en mission dans le département du Gers pour faire appliquer le décret du 26 août 1793 sur la levée en masse, il va y exacerber le mouvement révolutionnaire et faire régner la Terreur pendant une année, de septembre 1793 à octobre 1794, pourchassant les fédéralistes, les contre-révolutionnaires et s’acharnant à détruire tous les symboles religieux. (Extrait de « Gers, Dictionnaire Biographique de l’Antiquité à nos jours », Société Archéologique et Historique du Gers, 1999).
[6] Jean-Baptiste Lartet, filleul du peintre Jean-Baptiste Smets (1712-1783).
[7] Arrêté de création du Musée d’Auch, 1793 (26 frimaire An II). Musée des Jacobins, Auch, n° inv  992.1.1.
[8] Idem.